[Furashubacku] Le retour de l'estropié - Ft. Michio

Crochet, direct. Uppercut. Tout ça du droit. Dans le village du désert résonnait des bruits d’impact colossaux, suivis de celui de la terre cuite qui s’écroulait sur le sable chaud. Les expirations synchronisées sur chacun des coups du ninja esseulé se ponctuaient par le ramdam des débris fracassés et les crissements redoutables du métal.

« Plus de délai. Retour fluide… Je la féliciterais bien, si elle avait pas déjà le melon. » Résuma-t-il pour lui-même à voix haute, perdu dans ses pensées.

Sur le terrain désertique de Suna, un jeune Dôsen fraîchement sorti de l’hôpital s’entraînait en démolissant des statues de terre qu’il avait manifestées à l’aide de sa maîtrise du Dôton. Même s’il avait passé longtemps à s’entraîner à l’art des Mudras à une seule main, le fait d’avoir achevé une version probante de son Kinzenkai, prothèse métallique qui lui remplaçait les deux membres qu’il avait perdus, lui permettait enfin de pouvoir se dépenser à nouveau au maximum de ses capacités.

Bien évidemment, la création avait encore besoin de tests plus étendus et sur le long terme avant de pouvoir être réellement validée pour le terrain, mais il estimait avoir suffisamment pris son mal en patience. Malgré les réticences de Naoko, la théorie avait ses limites et il comptait bien pousser leur invention aussi loin que possible afin de lui faire atteindre la perfection.

Low, middle et high kick du gauche en une rapide succession sans reposer le talon. Etant donné qu’il n’avait pas vraiment eu le temps de retourner chez lui avant de venir s’entraîner (ou plutôt qu’il n’en avait pas pris le temps), il était piedds nus, vêtu d’une tenue très simple composée d’un pantalon blanc et d’un t-shirt assorti des plus sobres. De ce fait, on pouvait très clairement voir ses membres métalliques au design léché, pinacle de la technologie Sunajin et qui ne manquerait pas de faire du bruit lorsqu’ils seraient officiellement annoncés aux hautes instances.

Tamago, lui, aurait bien aimé pouvoir s’en foutre royalement, mais son sens des réalités l’en empêchait totalement. En dehors de la reconnaissance à obtenir et dont il se fichait éperdument, obtenir des subventions supplémentaires était plus que nécessaire pour pouvoir pousser leur projet jusqu’à son paroxysme, chose que sa comparse n’arrêtait pas de lui rappeler dès que son esprit d’inventeur prenait le pas sur son pragmatisme.

En attendant, son job à lui et malgré les réticences de la Hoshi, c’était avant tout de s’assurer que le produit était à la hauteur de leurs attentes et ne risquait pas de dysfonctionnement une fois utilisé sur le terrain, chose qui s’avérerait non seulement extrêmement dangereuse pour lui mais aussi et surtout pourrait réduire l’intégralité de leur travail à zéro et mettre un sérieux trou à leur trésorerie. Plus sérieux qu’il ne l’était déjà, avec la folie des grandeurs dans lesquelles le binôme s’était lancé.

Pour ça, si la première étape de taper sur une durée prolongée des pantins terreux et immobiles, il savait bien que c’était loin d’être suffisant. Non, il lui fallait une situation réelle ou autant qu’elle puisse l’être sans déboucher sur un réel danger d’entrée de jeu. Pour ça, il avait trouvé le parfait cobaye, qu’il avait invité pour une séance de sparring musclé, Michio la vieille branche.

En l’attendant, il continuait ses essais en solitaire, s’arrêtant régulièrement pour prendre des notes sur un petit cahier qui ne le quittait jamais avec quelques points bloquants ainsi que les axes d’amélioration qui lui venaient en tête à mesure que ses tests avançaient. Cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas entraîné avec le Kamaitachi, qu’il n’avait pas revu depuis son hospitalisation il y a plus d’un an de cela. Fidèle à lui-même, le petit oeuf s’était contenté de lui envoyer une missive simpliste où figurait l’invitation suivante : 18h, terrain d’entraînement. Tamago.

Il ne restait plus qu’à voir si son vieux compère répondrait présent à sa demande incongrue.

Spoiler:

Tamago passa continua un moment sans spécialement voir le temps passer, faisant de son mieux pour fermer son esprit à toute intrusion, ce qu’il n’arrivait à faire que lorsqu’il travaillait sur son Kinzenkai. S’il avait eu le temps de reprendre du poil de la bête et surtout de retourner vivre chez lui, son besoin de solitude ne s’était pas encore totalement envolé et il avait besoin de le recharger de temps à autre. L’année qui avait suivi sa cuisante défaite, le Dôsen avait insisté pour se battre et se remettre sur pieds seul, à l’exception de la Hoshi qui lui avait apporté les connaissances qui lui faisaient défaut.

Il n’avait pas vu les jumeaux, Yoi, Jikan. Michio non plus, bien évidemment. Ca ne l’avait pas empêché de penser à eux dès que son esprit tourmenté parvenait à chasser ses démons, mais les voir aurait été bien au-dessus de ses forces. Pendant trop longtemps, il avait réussi à maintenir la façade pour les préserver, masquer ses faiblesses et ses péchés… Après ce qu’il avait vu et subi aux mains d’un traître non identifié de son clan, ses défenses s’étaient totalement effondrées.

Pendant plusieurs semaines, il se retrouva incapble de s’enlever la voix irritante du coupable de son crâne. Elle lui grattait le cerveau insidieusement, y forçant des bribes visuelles de l’accident. Son impuissance… Pendant plusieurs semaines, il eut l’impression de se noyer dans la haine, animé uniquement par un besoin irréalisable de faire payer le responsable des ces méfaits, sur lequel il n’avait bien sûr aucune information. C’était un Dôsen… Rien de plus. Pas juste un membre de son propre village mais de son propre clan carrément. Le pompon, quand on considérait le peu d’intéractions que sa famille avait pu avoir avec le reste de leur caste.

L’assassin devait sans doute avoir une vendetta personnelle ou autre grief à régler avec les parents ou les aînés de Tamago et il s’était simplement retrouvé pris au milieu par un simple concours de circonstances. Tamago le dommage collatéral, qui n’avait pu qu’assister à toute la scène sans réussir à faire quoi que ce soit. Franchement, il y avait de quoi bouillir. Alors, comment aurait-il pu écouter ses êtres aimés essayer de compatir avec lui, de le rassurer ou de lui faire voir le bon côté des choses ? Comment aurait-il pu les regarder dans les yeux en leur expliquant que la seule raison pour laquelle il respirait encore était un simple caprice de son adversaire ?

Il avait encore beaucoup de mal à assumer sa propre incompétence et ça lui avait pris beaucoup d'efforts à redevenir à peu près… sortable. Autant que puisse l’être le petit œuf, en tout cas. Après de longs mois, il avait fini par revoir sa fratrie mais sans jamais les autoriser à venir à l’hôpital et jamais plus de quelques heures, pour se ré-habituer peu à peu à contenir sa rage.

La Kamaitachi, en revanche, c’était une autre affaire. Leur relation avait toujours été particulière et même s’ils se chambraient en permanence, il y avait toujours eu une compréhension tacite entre eux qui leur permettait de se supporter voire même de se soutenir en dépit des oppositions fondamentales de certains traits de leurs caractères. Ils se comprenaient sur l’essentiel et c’était ce qui leur permettait de faire abstraction du reste, qui paraissait bien dérisoire en comparaison.

Même s’ils avaient arpenté des chemins bien différents, ils avaient fini par se retrouver sur la même route, à tracter et consolider le même rêve et ce pendant plusieurs années. A se crever, de jour comme de nuit pour les rêves d’un autre, les rêves de Taïga, qui avait réussi à leur faire croire que leurs volontés ne faisaient qu’un. L’unification, la fin de la guerre. Tout serait différent, un nouveau monde pour le pays du vent ! De quoi se taper la poitrine à coup de poings en laissant échapper des cris primaires au clair de lune, le tout en pensant solennellement au monde meilleur qu’on laisserait immanquablement à sa descendance. Ça avait été un joli conte de fées, le temps que ça avait duré.

Mais rien ne se perd, rien ne se crée. Tout se transforme. La guerre n’avait jamais disparu, elle s’était contentée de se muer en quelque chose d’autre. Lui-même, malgré toute son expertise personnelle sur le sujet, avait laissé l’espoir le gagner. Quelle erreur, ça aussi, évidemment. Malgré les œillères qu’il s’était laissé mettre, il avait entrevu au cours de ses missions et de la conception même de leur village de la complexité de leur tâche. Son concept même, lorsqu’on s’attardait deux secondes aux agissements du grouillot moyen… Pouvait sembler idyllique au mieux, naïf au pire.

La goutte d’eau fut vraiment de se faire planter un couteau dans le dos par quelqu’un qui partageait son art, allant même jusqu’à le retourner contre lui. Contre eux, tous. Un par un. Y repensait lui lançait des douleurs insupportables dans l’épaule et le moignon, remontant tout le long de son bras métallique et pourtant insensible jusqu’au bout de ses doigts qui n’existaient plus depuis longtemps.

Sa main gauche alla serrer la prothèse, incapable d’atténuer la sensation désagréable qu’amenait son membre fantôme qui continuait de subsister même après la finalisation de son remplaçant. Ca, malheureusement, ce n’était pas quelque chose sur lequel pourrait l’aider Naoko…

Tamago avait été séduit par l’idée de ces membres d’acier, à mi-chemin entre le membre et la marionnette, la culmination de deux domaines différents utilisés pour la toute première fois en étroite collaboration. Ce qu’il n’avait jamais avoué à personne et ne qu’il n’avait peut-être pas totalement internalisé, c’était que le projet l’avait immédiatement accroché parce que c’était la garantie de lui donner un souvenir impérissable de ce qu’il avait traversé.


Bien plus efficace qu’un simple moignon ou des cicatrices, c’était la représentation éternelle de ses échecs et des erreurs qu’il ne pourrait jamais complètement réparer. De l’autre côté du miroir, il s’agissait également du symbole de sa résolution et du progrès qu’il avait mis en place pour faire payer le responsable de tout ça. Celui avec qui Tamago partageait honteusement la faute, en tout cas.

Différent du bois habituel de ses ancêtres, ce qui marquait encore davantage sa séparation avec les anciens rituels, il aimait l’aspect épuré et harmonieux de Bunshin, son bras droit et Tenshu, sa jambe gauche. Le marionnettiste s’était habitué à leur froide odeur d’huile et la sensation glaciale que de déployer un tel instrument de mort comme une partie de son propre corps. Le cliquetis rassurant des mécanismes sur lesquels il avait passé d'innombrables nuit sans sommeil et le poids de ces artifices, la sensation de puissance qui l’accompagnait était parfaitement à son goût. C’était lourd, puissant, mais raffiné. Méticuleux.

Un instrument qui dépassait le tout venant qui aurait été capables de les brûler pour ne serait-ce qu’y penser, à une époque moins… Tendre. Cet adjectif le fit pouffer avec dédain au milieu de son entraînement.

« Konbawa ! » Entendit-il, parvenant de justesse à s’empêcher de sursauter.

Il était arrivé dans son angle mort et, tout en proie à ses débats internes, le blondin s’était retrouvé sans s’en rendre compte dans son propre monde, jusqu’à ce qu’une voix familière ne le tire de sa zone. Revenu à la réalité, il se rendit compte combien il était crispé, les ongles grattant nerveusement le haut de son épaule et de grosses gouttes de sueur froide lui roulant sur le visage. Fort heureusement, tout ça devait théoriquement être invisible aux yeux de son vieil ami, même si le silence du Dôsen n’était jamais un bon signe, en soi.

Celui-ci n’écouta le nouveau venu que d’une oreille, en essayant de se concentrer sur lui-même pour être présentable. Il se répéta un mantra en tête en s’essuyant la face avec le haut de sa chemise, comme après une bonne journée de travail, rien de plus. Après une grande inspiration, toute son anxiété sembla s’envoler d’un coup de ses traits, immédiatement remplacée par un sourire des plus authentiques, si ce n’était un tantinet sardonique. De son côté droit, le chakra ravivait déjà les sutures Hosen, la bête de métal ronronnant sagement aux oreilles de son maître pour signifier qu’elle était prête à s’exécuter.

« Non, Michio. La branlette, ça vient après. Toi, t’es pas encore au stade de la demie-molle. » Répondit le jeune homme, en pivotant sur la gauche pour faire face à son camarade. « Ça me fait plaisir de te voir, faut que je m’échauffe un peu les os, après tout ce temps à rester au lit et manger de la soupe. » Ajouta-t-il en présentant sa main artificielle chauffée par le soleil intransigeant du pays du vent. « Si tu préfères, on peut se contenter d’un… Bras de fer ! »

Il ponctua sa blague d’un rire saccadé et purement exagéré, tout en agitant ses doigts d’avant en arrière dans des mouvements asynchrones. Observant son comparse, il se remémora leurs différentes sessions de sparring, en réfléchissant à ses méthodes de combat passées. A l’époque, il reposait bien plus sur ses pantins… Mais celui qu’il avait connu était devenu du petit bois cette même nuit où il avait tout perdu.

Pour permettre à ses recherches d’être réellement efficace, il avait dû polir des compétences qui n’avaient été autrefois que du divertissement ou en cas de dernier recours. Bien évidemment, le duo avait pratiqué ensemble autant le combat armé que le pugilat pur et dur. Si dans la première catégorie, les résultats avaient toujours été plutôt équivalents, en ce qui concernait la seconde… Autant dire qu’il s’agissait d’un autre domaine pour lequel Tamago n’avait pas été à la hauteur. Tant mieux.

Que serait une réunion entre amis sans quelque bonne surprise ?

Sans que l’air complaisant du manchot ne change dans le moindre détail, son Kinzenkai se replia en se reculant, comme pour prendre de l’élan. Les lèvres du jeune homme s’étirèrent encore davantage alors qu’il refermait fermement le poing de son appareil gorgé de chakra. “Faut crever l’abcès.”

Profitant de sa petite taille, il s’appuya sur sa jambe gauche pour s’engouffrer sous la garde de Michio sur le côté. Tendant le moindre de ses muscles comme la corde d’un arc, il se mit en position avant de relâcher le tout d’un coup, entamant la danse de son Bunshin. Au bout des phalanges de l'alliage estampillé Oeuf s'extirpa la pointe meurtrière d'une lame escamotée et qui ne dépassait que d'une petite dizaine de centimètre, même si cela ne l'en rendait aucunement moins dangereuse.



Accompagnant le mouvement comme s’il ne faisait qu’obéir à la volonté de la création d’acier, il envoya celle-ci dans la poitrine de son comparse sans crier gare, avec tout l’aplomb qu’il était capable de produire. L’assaut partit comme un boulet de canon en direction du foie de l’adversaire, le blond dépassant presque son opposant tant il s'enfonçait vers l'avant, attendant de voir combien de côtes il pouvait lui emporter au passage. Quelques mèches se libérèrent de son élastique pour aller profiter de la brise, entraînées par le fluide mouvement du chuunin.


Histoire de briser la glace, tout simplement. Après tout ce temps, ce n’était facile pour aucun d’entre eux, tout naturellement. Alors, entre amis, quoi de plus naturel ? Étant particulièrement généreux, Tamago réservait même une autre surprise pour empêcher son bon ami de se soustraire à son cadeau initial. Il connaissait toute l'importance que l'épéiste donnait à la vitesse et l'agilité mais sur ce domaine là, la demie-portion n'était pas non plus en reste et il comptait bien le lui montrer. Il avait les moyens de s'ajuster à ses esquives, en plus de profiter d'autant d'effet de surprise que possible au vu des circonstances.

Bien sûr, Michio n’avait pas passé son temps à s’enfiler des perles au cours de l’isolement que s’était imposé le Dôsen. Quelle nouvelle botte avait-il bien pu développer pour la lui faire à l’envers, ce vieux fourbe de samouraï, encore ? Les yeux du blondin pétillaient d’un mélange d’anticipation et d’excitation à l’idée de se mesurer à son camarade sur un tout nouveau terrain de jeu.

Même si n’importe qui aurait pu se mettre d’accord pour dire que les retrouvailles, à Suna, ça ne ne se faisait pas à moitié, l’attitude du jeune Dôsen en aurait sans doute dérangé plus d’un. Bien évidemment, rien n’empêchait d’utiliser des armes sans tranchant, voire même d’autoriser du matériel réellement mortel pour se mettre correctement en situation. Généralement, c’était sur un accord mutuel des deux partis et pas envoyé d’un coup comme on tape une bise.

A vrai dire, il avait passé un long moment à penser à ce combat. Michio était un point de repère important pour améliorer la conception de sa machine car c’était sur son pouvoir offensif à lui, parmi les plus importants de Suna, qu’il s’était basé pour avoir une estimation à la louche de ses attentes. Autant dire qu’il était encore loin d’y arriver…

Une partie de lui avait toujours jalousé son camarade, malgré tout le bien qu’il pouvait penser de lui et lui souhaiter. Celui-ci avait une maîtrise martiale redoutable et qui avait toujours forcé le respect du marionnettiste. Comme il aurait souhaité pouvoir rivaliser avec sa force brute et sa rapidité d’exécution. Même s’il ne l’avouerait très certainement jamais à voix haute, le grand brun était sans doute l’un des seuls idoles qu’il avait encore et avec lesquels il ne partageait pas de nom. C’était peut-être pour ça, qu’il l’avait attaqué avec toute son âme.

Le Kamaitachi n’était pas un adversaire contre lequel on pouvait se permettre d’y aller à la légère et il refusait que son vieil ami ne le ménage. Tamago était venu pour se tester après une longue période sur le banc de touche et il préférait largement se faire démolir à plates coutures plutôt que de se faire prendre en pitié à cause de son accident. Non, il ne l’aurait pas supporté.

Alors, incapable de trouver les mots à mettre sur sa décision et la partager avec le principal intéressé, il avait préféré passer à l’attaque. Il n’avait pas envie d’argumenter, il n’avait pas envie de parlementer. Son corps resté trop longtemps inactif réclamait de l’action et il n’y avait pas grand monde dans le village avec qui il pouvait réellement se la donner. Michio, lui, pouvait le supporter sans risquer de se briser… Le sous-estimer aurait été une grossière erreur.

Les crocs de Bunshin éclatèrent la pauvre tige de bambou en milles morceaux sans même ralentir, avant d’aller faire couler le premier sang en mordant les flancs du samouraï. A l’aide d’une habile manœuvre d’esquive de dernière minute, ce dernier arriva tout de même à se prémunir d’un coup décisif qui aurait pu écourter leur petit jeu. Il n’en attendait pas moins de lui.

Sans perdre un battement, Tamago vit la main de Michio se poser sur le manche de son katana, le vrai cette fois-ci. Pas le jouet pour enfant qu’il avait essayé de lui sortir en premier lieu. Voilà, c’était ça qu’il voulait. C’était ça qu’il attendait. Le simple fait de voir ses doigts se déposer sur le manche nouée lui envoya un long frisson tout le long de l’échine, augmentant la pression tout autour des deux adversaires. La gravité elle-même semblait s’en retrouver affectée. Il avait peut-être fait des dégâts, mais il fallait se préparer à la contre-attaque maintenant et il y avait déjà pensé.

Il pouvait ré-entendre la voix de Naoko au cours d’un de leurs très nombreux brainstorming lui revint en tête. L’attaque c’est bien beau, mais pense à la défense aussi. Surtout pour le premier modèle, va pas me le péter tous les quarts d’heure, avait-elle soutenu. Oh, combien il avait pu contester cette décision. Oh, combien il faudrait qu’il la remercie, la prochaine fois qu’il la verrait. Les clapets de compartiments savamment escamotés du Kinzenkai s’ouvrirent pour déployer des tiges conductrices de chakra qui déployèrent rapidement un revêtement protecteur, lui permettant de se défendre tout en lui vitalisant pour permettre une retraite stratégique avant toute conséquence. Plus rien de grave ne pouvait lui arriver maintenant et il conservait encore entièrement son avantage.

Le coupant net dans ses réflexions mollassonnes, une gerbe de sang ainsi qu’une vive douleur sur toute la longueur du tronc lui arracha un grognement de douleur. Le Dôsen n’avait pas cligné des yeux ça, il en était persuadé. Pourtant, son adversaire avait comme… sauté une frame lors de son attaque et l’avait tranché verticalement comme un gigot, passant totalement au travers de sa protection. Ou plutôt… sans lui laisser la chance de réagir. Il l’avait découpé sans doute au même moment où son mécanisme s’était activé mais avec une vitesse et une précision telles qu’il n’avait ressenti la technique qu’un fois le bouclier déployé.

Sans blague, est-ce que ce chien était devenu encore plus rapide qu’avant..? Pendant un instant, il eut une impression de déjà vu d’un certain jour de guerre, où un inconnu plus rapide que le vent était venu à sa rescousse.

Prenant exemple sur son adversaire et faisant fi de sa blessure, serrant la mâchoire pour se contenir, le petit œuf utilisa son jeu de jambe pour se reculer prestement d’un bond puissant d’une dizaine de mètres pour lui permettre de reprendre ses marques. Les yeux écarquillés, le proto-cyborg en pleine concentration afficha sans s’en rendre compte un large sourire, comme un enfant le jour de son anniversaire à qui on venait d’offrir le jouet de ses rêves.

Exactement ce dont il avait besoin et peu lui importait les mises en garde et les risques qui pouvaient aller avec. Il lui fallait plus que ça, plus encore pour pouvoir retrouver la sensation qui avait précédé sa défaite et espérer pouvoir la dépasser. Aux anges, Tamago savait pertinemment qu’il n’allait pas être déçu.

« Voiiiii-làààà ! » Se réjouit-il en corrigeant sa trajectoire mais toujours fléchi et flexible pour s’adapter à l’opposition et l’empêcher d’imposer son rythme. « Ca, c’est Tout-chio ! »

C’est qu’en face, l’animal n’avait même pas fini et l’intensité monta d’un cran en même temps que la pointe de sa lame. Il pouvait bien faire le brave, Tamago n’était pas du genre à faire dans la vaine témérité et l’assaut qu’il venait d’éviter de justesse n’avait rien de risible. Toutefois, quel ne fut pas son étonnement en voyant la découpe se prolonger pour se jeter à sa poursuite, s’étendant bien au-delà du corps à corps usuellement respecté par les sabreurs.

« Tch ! » Grogna-t-il en encaissant solidement l’impact avec son Aegis Maxima, ayant manqué de peu de se faire cueillir en pleine retraite. La vague de Fûton déviée fusa tout droit vers le sol en y laissant une entaille suffisante pour pouvoir y trébucher. Et dans du sable, qui plus est. Balaise. « J’ai eu chaud, on dirait. » Avoua-t-il en se passant la main gauche sur la plaie béante.

Prenant quelques secondes pour estimer son état de santé, il se remit en garde pour se préparer au pire, bien de profil pour présenter son côté droit où il avait moins de parties sensibles en cas d’assaut. Il n’était pas prêt à répliquer directement car la dépense physique qu’avait provoquée leur court échange l’avait entièrement vidé. Le prochain entraînement, il fallait peut-être que ce soit du cardio ou il risquait de ne pas faire de vieux os. Surtout qu’il en avait pris, du poids, depuis son opération.

« Tu m’as pas raté, mon salaud. » Ironisa le jeune homme en fixant son adversaire droit dans les yeux. Gagner du temps… le temps que son corps accepte de lui répondre de nouveau… « Ça m'avait manqué nos petites discussions. C’était du Fûton sur la lame ou t’es juste content de me voir ? »

Alors qu’il semblait déjà au bout de sa vie, l’autre énergumène paraissait toujours prêt à partir. Décidément, Tamago pouvait se féliciter de son choix, il s’était trouvé un sacré modèle de compétition pour sa petite expérience… À condition qu’il n’ait pas simplement eu les yeux plus gros que le ventre.

Bon, la surprise désormais passée, pour l’un comme pour l’autre, la prochaine passe pouvait tout à fait s’avérer décisive. Il allait falloir jouer serré.

Apparemment, Tamago avait trouvé et appuyé sur un point sensible de son opposant sans même y prêter attention, ce qui n’était pas forcément pour lui déplaire. Tout comme ses assauts surprises, ça aussi, il était capable de l’encaisser le Michio alors c’était toujours bon à prendre. L’un comme l’autre s’étaient dépensés très rapidement, dès le début des hostilités et malgré les quolibets que pouvaient tenter son camarade, il savait que celui-ci n’en menait pas plus large que lui. C’était le moment de vérifier les dégâts, tant qu’il le pouvait encore.

« Mes parents croyaient pas dans le mariage, j’essaye de pas juger. » Ironisa-t-il en remuant le bras droit, avant de le désactiver en retirant les fils qui reliaient la machine à ses nerfs. « Ta mère s’est jamais plaint, que je sache ? » Ajouta-t-il alors que Bunshin cessait peu à peu de roucouler.

Il ferma et rouvrit le poing à deux reprises avant de bouger ses doigts, un à un, avec une certaine fascination. Parfait. Il pouvait l’allumer et l’éteindre sans gêne et sans perdre la connexion, ne serait-ce que momentanément, ce qui pouvait lui permettre bien des folies au corps à corps. L’ingénieur n’avait pas encore trouvé le moyen d’empêcher ses mécanismes de se rétracter lorsqu’il rappelait ses liens, remarqua-t-il en voyant sa lame se glisser dans sa cachette. C’était un détail en réalité et si c’était la contrepartie nécessaire pour lui permettre d’économiser des forces sans risquer un dysfonctionnement fatal, il n’allait pas s’en formaliser. Surtout maintenant.

Il avait d’autres chats à fouetter… Un en particulier, qui ne comptait pas se laisser faire aussi facilement à première vue. Finalement, peut-être qu’y aller au pugilat pur et simple n’était pas la meilleure approche à avoir mais il avait au moins le privilège d’être fixé, désormais. Le samouraï était un véritable prédateur ayant pratiqué son art de tuer tout au long de sa vie et venir le chercher sur son propre terrain ne constituait pas une preuve d’intelligence de la part du blondin.

Bunshin ne suffisait pas à rivaliser de manière frontale à un authentique maître d’arme mais ce n’était pas la faute de l’appareil. Celui-ci avait performé exactement selon les attentes de Tamago et n’y la lame de bambou ou d’air de Michio, n’y même celle d’acier n’avait réussi à y infliger la moindre égratignure. Le problème venait de son utilisateur, il n’y avait pas à tortiller et cette simple pensée suffisait à enrager le marionnettiste.

Au fond, bien au fond et sous couvert de simplement s’amuser de manière un peu musclée et avec toujours une bonne dose de trash talk. L’honneur de l’affrontement et la beauté du un contre un, quand on avait connu la guerre, il fallait avoir le crâne épais pour continuer de les vanter. Le petit Dôsen n’était pas quelqu’un d’orgueilleux et n’hésitait pas à jouer dessus, même loin de là, mais il n’était pas homme à refuser une opportunité d’être agaçant. Des fois, bien sûr, il faisait l’offusqué pour stimuler un peu les conversations et s’octroyer une justification pour son vocabulaire de concierge en fin de journée, mais au fond, tout ça n’avait aucune réelle espèce d’importance.

« Je sais pas ce qu’on t’a appris, mais y’a pas besoin de se coller pour se battre comme des hommes. Tu voulais peut-être me faire un câlin, après tout ce temps ? » Railla-t-il en faisant rebondir ses sourcils à tour de rôle, dissimulant sa main gauche pour réaliser des mudras en voyant les mouvements de balancier qui ne lui inspiraient rien qui aille.  

Effectivement, son intuition ne tarda pas à se révéler juste car l’épéiste lui jeta une nouvelle découpe à distance, sans vouloir reculer de son perchoir. Rien de bien menaçant cette fois-ci, une passe timide pour lui faire croire que le plus dur était passé, peut-être ou prétendre l’épuisement ?

« Je suis un ninja, moi.  » Dit-il avec un rictus en observant la trajectoire du projectile visible uniquement au sable qu’il soulevait sur son chemin et la trace nette qu’il laissait au sol sur son passage. « J’ai prêté aucun serment qui m’interdit d’avoir un cerveau, mais t’inquiète pas… »

Terminant sur un Mudra du sanglier, il pivota pour revenir de face et ramena violemment ses deux mains l’une contre l’autre pour compléter son incantation, faisant apparaître une dizaine de nuages de fumée tout autour de lui.

« J’en ai des choses à te montrer, Michio. » Annonça le shinobi en ouvrant les bras pour étendre des fils invisibles qui s’élancèrent vers ce qu’il avait invoqué.  

D’un geste, il y piocha quelque chose qu’il ramena vers lui, se recouvrant au passage d’un brouillard de poussière et de sable tracté en partie par la Brise de Mer qui s’engouffra dans l’amalgame prêt à punir Tamago pour ses petits stratagèmes en le découpant tout net, de manière à le transformer en deux tronçons équivalents pour menu enfant. Pourtant, en lieu de cri de douleur ou de chair lacérée, c’est un autre bruit qui parvint aux oreilles du Kamaitachi et qui devait lui être tout aussi familier. Le son, lourd, d’un impact d’acier.

Une épaisse jambière s’extirpa du nuage pour se planter lourdement dans le sol en y laissant une empreinte profonde alors que l’obstruction visuelle diminuait doucement. S’extirpant de la fumée, une imposante armure s’avança d’un nouveau pas avant de prononcer un seul et unique mot d’une voix caverneuse, altérée par l’impressionnante caisse de résonance de plus de deux mètres qu’elle était.



Pilotant une autre marionnette dont il faisait les débuts en exclusivité pour son ami, il positionna l’armure dans la même position qu’il avait adoptée plus tôt. Épaule droite en avant, il tendit sa large main gantelée en ramenant les doigts vers lui, pour intimer à l’opposant de venir le chercher. Tamago comptait bien lui montrer ce que ça voulait dire que d’être confronté à une main de fer dans un gant d’acier.

« Ça t'a vexé, de te faire avoir  comme un bleu dès le premier coup ? » Demanda le jeune homme à l’intérieur de sa forteresse perso.  

Si elle lui avait permis d’encaisser l’assaut de plein fouet, le choc avait été tel qu’il avait eu peur de culbuter en arrière, même s’il était parvenu à rester sur ses deux pieds sans trop passer pour un cornichon au yeux de son compère. Il avait beau dire, la façon dont il avait entamé cette rixe avait bien failli écourter les festivités bien vite se faire charcuter n’avait pas du tout fait partie de la manœuvre telle qu’il l’avait concoctée.

Sans vraiment parler d’hémorragie, c’était une situation qui risquait de le désavantager plus lui que l’autre bourrin, car cela limitait grandement ses possibilités de le laisser se fatiguer en gagnant du temps et il n’était pas convaincu de pouvoir survivre à un nouvel assaut de plein fouet. Restait plus qu’à y aller au culot.

« Va falloir faire mieux que ça, si tu veux que je te prenne au sérieux. » Se moqua le ninja en réfléchissant au meilleur moyen de se sortir de ce gourbi. « Plus lent qu’un Namikaze et maintenant ça tape pas plus fort qu’un Dôsen ? Tu sais que te polir le sabre ça suffit pas pour progresser hein ? » Continua-t-il avec dédain en rebondissant sur sa pique de tantôt.  

Pour l’instant, il était à l’abri de la découpe et à une distance sécuritaire mais la situation pouvait rapidement changer du tout au tout. Il aurait préféré être capable de capitaliser sur le moment de relâche de son adversaire, mais il voulait à tout prix éviter de gaspiller son chakra, qui lui était bien trop précieux.

Face à la réponse de Michio, Tamago se retrouva momentanément bouche-bée. Même pour lui qui était loin d’être prude, le sabreur avait peut-être poussé le bouchon un peu trop loin. Celui-ci avait toujours réussi à éclipser la grande gueule de son camarade et en comparaison, le Dôsen pouvait presque paraître calme, voire même parfois respectueux. Il s’agissait d’une des raisons qui avait permis de cimenter leur amitié car ils savaient tous les deux qu’ils pouvaient se lâcher sans conséquence lorsqu’ils étaient ensemble. Cet accord tacite, le petit oeuf l’avait poussé à l’extrême en passant de la parole aux actes, ce qui aurait pu s’avérer désastreux si sa proie avait été moins habile.

Le retour du bâton n’avait pas tardé et suite à leur échange, la situation était revenue à un statu quo fragile, qui menaçait de basculer à la moindre tentative de l’un ou l’autre des partis. De nouveau, le Kamaitachi tenta de le pousser à l’erreur en attaquant son ego, même s’il devait bien se douter que ce stratagème n’avait aucune chance de marcher contre le marionnettiste. Écoutant les quolibets d’une oreille discrète, le blondin réfléchissait furieusement à la suite des festivités pour s’occuper de son comparse.

Il était venu avec quelque chose de très simple en tête : se mesurer à un des meilleurs combattants de corps à corps qu’il connaissait pour voir où il se situait désormais, avec les nouvelles capacités qu’il avait développées. L’expérience n’avait pas exactement tourné comme il l’avait espéré, mais c’était aussi ça, les risques du métier. S’il voulait avoir la moindre chance de sortir vainqueur de leur escarmouche, il allait falloir recalculer pas mal de choses… Putain de samouraï, toujours le paramètre hasardeux qui pouvait faire capoter même le plus raffiné des stratagèmes.

L’opposant se mit soudain en position de garde, comme pour se préparer à mettre un coup d’estoc, mais sans même essayer de se rapprocher..? C’était nouveau et il ne savait pas exactement à quoi s’attendre mais il était prêt à tout. Au vu de la posture de l’épéiste, il ne s’agissait pas du même assaut qu’il avait lancé précédemment et ses (longues) années d’expertise avaient dû lui permettre de déceler le seuil de résistance de l’Onikin.

*V’la encore aut’ chose…* Pensa-t-il en son fort intérieur, alors que Michio projetait l’Alizé tout droit dans sa direction. *Hein..?*

Il devait sans doute plaisanter et devait avoir préparé quelque chose d’autre dans sa besace, sans quoi il risquait d’être déçu. Il n’y avait pas mille solutions car il ne fallait pas être un génie pour s’apercevoir que la technique était incomparable à la Brise précédente, alors, il réalisa rapidement une série de Mudras en se décidant à camper sur ses appuis. Ca n’allait sans doute pas plaire à son comparse, mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même d’avoir choisi de maintenir une distance qui ne lui était pas favorable.

« Tu te moques de moi ?! Je pensais t’avoir dit… » Commença le shinobi de profil en pliant les genoux pour se stabiliser, tendant le bras droit en avant, une fois son incantation achevée

Devant son avant-bras présenté de face en seule défense, un nouveau nuage de fumée apparut, plus gros que les précédents. L’estropié serra la mâchoire pour se préparer au clash en espérant de tout cœur d’avoir évité une autre erreur de calcul qui pourrait s’avérer fatale. Répétant le même schéma que précédemment, l’Alizé percuta avec force un rempart dans un bruit fracassant, chassant sans mal le masque éphémère. La violence du choc avait été suffisante pour faire reculer Tamago d’un bon mètre dans un grognement d’effort. Ses grosses jambières avaient creusé le sol mais il se tenait toujours debout, lui et son armure tout deux intacts.

« Qu’il allait falloir… » Souffla-t-il au travers de son heaume, en observant des miettes de bois s’éparpiller tout autour de lui et sentant sa gorge se nouer.  

Enroulé autour de son bras pendait une étrange marionnette, qui avait fait office de bouclier pour intercepter la découpe à distance. Il était compliqué de discerner correctement la morphologie de l’apparition, car celle-ci était recouverte d’un large morceau de tissu qui faisait office de manteau, lacéré par le dernier exploit du samouraï, ainsi qu’un large chapeau rond orné de clochettes silencieuses. Démembré par la collision, le pantin était ne tenait plus vraiment sur son perchoir et tanguait doucement. Les yeux écarquillés, Tamago observa le fruit de son travail oblitéré sans avoir eu le temps de briller un seul instant, en essayant de mémoriser le point de chute de chaque débris, évidemment en vain.

Exactement ce qu’il avait redouté… C’était pour ça qu’il avait jusqu’alors refusé de s’en servir, mais l’autre corniaud ne lui avait pas laissé le choix. La demie portion déglutit en constatant les dégâts et en appelant toutes les ressources de son être pour se contenir, ne trouvant du réconfort que dans le fait que la structure principale avait soutenu la violence du Kamaitachi en conservant un état plus ou moins respectable, comparé au reste de ses appendices. Cette fois-ci, l’erreur avait été monumentale et il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même.

« Et beh, je t’ai fait si peur que ça, pour que tu restes loin de moi ? » Railla-t-il dans un soupir alors qu'Onigiri chutait lourdement par terre dans un bruit pitoyable. « Des modèles comme ça, j'en ai tout le tour du bide. »

Même s’il essayait de garder la face, sa répartie manquait de piquant et la voix du jeune homme avait changé, s’étant faite plus grave et sérieuse suite à la petite manœuvre de son camarade. Avant que celui-ci n’arrive à une portée plus convenable, Tamago avait espéré pouvoir déployer une bonne partie de son arsenal mais il avait grandement sous-estimé l’opposition. Si le corps à corps restait encore à retravailler, il allait devoir revoir en profondeur non seulement ses pantins mais aussi et surtout son analyse du terrain.

Essayant tant bien que mal de collecter ses pensées, Tamago se préparait pour la suite des événements. Finalement, Michio était arrivé à ses fins car l’oeuf avait désormais commencé à voir rouge. Il comptait bien continuer la danse mais s’il voulait la moindre chance de l’emporter, il fallait qu’il arrive à lui imposer son tempo.

« Rapproche toi ma mignonne. » Tenta le Dôsen pour attirer le samouraï. « Viens donc te faire câliner. »

Suite à leur échange endiablé, Michio s’était quelque peu calmé. Toutefois, plutôt que de le rassurer, ce développement fit plutôt grincer les dents du marionnettiste. Pour que cette tête brûlée reste dans murée dans sa réflexion et le silence, cela voulait dire qu’une terrible catastrophe se préparait. Puis, tout en poussant un soupir à peine audible, le samouraï se rua en avant tout en chargeant son arme d’une bonne dose de chakra Fûton maison. Peut-être la provocation avait-elle un peu trop bien marché, au final..?

Toutefois, c’était exactement ce qu’attendait le blondin et c’était le moment de vérité. Dès que son adversaire commença à bouger, Tamago exécuta des mudras de la main gauche tout en manipulant ses fils de la main droite pour ouvrir l’arrière du plastron de sa marionnette. Pour cacher son mouvement, l’Onikin posa un genou en terre et leva ses deux bras pour tenter une garde rudimentaire contre l’assaut cinglant. Le katana s’abattit alors qu’une courte distance les séparait encore, mais l’estropié n’était pas dupe. Après l’Alizée, il savait que l’éloignement était subjectif, face à la maîtrise de son camarade.

Malheureusement, la lame de vent traversa l’acier comme une motte de beurre chaude, le coupa si nettement que l’armure resta un moment immobile, comme si rien ne s’était passé. Tout doucement, le tronc de métal commença à s’affaisser, glissant en diagonale vers le bas, pitoyablement figée dans sa posture défensive bien vaine. En quelques secondes qui semblèrent s’étirer sur d’interminables minutes, le haut de l’Onikin s’écroula sur le sable dans un son étouffé et pittoresque tandis que sous le poitrail, le pantin demeurait sagement ancré là où il s’était arrêté, comme s’il n’avait pas encore compris ce qui venait de lui arriver.

Toutefois, pas de Tamago…

Derrière le géant d’acier, à condition de bien y regarder, se trouvait un trou discret par lequel le marionnettiste s’était fait la malle lors d’une fuite in extremis. S’il voulait gagner cette escarmouche, il faudrait la jouer fine… Michio lui avait montré à plus d’une reprise le danger qu’il représentait et l’estropié avait fini de le sous-estimer. La douleur de sa blessure ne cessait de lui rappeler l’ampleur de ses erreurs précédentes. Espérer lui imposer son rythme n’était rien d’autre qu’un espoir naïf à ce stade mais il était trop tôt pour abandonner.

Bientôt, la joute toucherait à sa fin et il comptait bien être le vainqueur… Même si son camarade ne risquait pas d’approuver ses méthodes.