[FB] Les choses que l'on ne veut pas voir - PV Iesuji Fukushû

Cela n'était qu'une mission de plus, de celle qui semblait anodine pour n'importe quels shinobis aux services de quelques puissants. L'histoire l'était sans doute encore plus, et assez risible en fin de compte, mais peut-être pas pour la principale concernée. Suzume, accompagnée de deux équipiers auxquels elle n'était pas habituée, avait dû se rendre par-delà les vents et son pays en des terres que Suna préférait naturellement éviter. Seulement, que signifiait le danger pour les armées de l'ombre ? N'était-pas la raison pour laquelle on les employait ? Aller au-devant des difficultés à la place des pleutres en échange de ryos ? Ici, le commanditaire n'était autre qu'un petit bourgeois mal avisé qui s'était pris d'affection pour une femme qu'il n'aurait pas due, non seulement parce qu'elle était une malheureuse des rues qui avait cédé la seule chose qui lui appartenait à un autre, mais parce que cet autre était un criminel notoire qui n'aimait pas que l'on vint à toucher à sa propriété. L'ironie ? La seule véritable condamnée n'était autre que cette femme elle-même, qu'importait où se portait notre regard. Voilà ce que cela signifiait d'être né sous la mauvaise étoile.

Ainsi, l'ordre du jour avait été d'infiltrer l'établissement du proxénète afin de comprendre leur fonctionnement, et bien évidemment, d'approcher la malheureuse. Comme Suzume était la seule femme de son équipe, elle se plia aux basses règles de son genre dans le but de n'attirer aucun soupçon. Il était plus facile pour elle d'intégrer les catins que ses compagnons, les hommes de main. Cela en disait beaucoup sur le fonctionnement du monde, non ? L'étrangeté aura été de noter que cela fut... aisée, tout comme faire de croire à quelques-uns qu'ils atteignaient le bonheur en sa compagnie alors que leur erreur avait été de croiser son regard. Il fallut attendre plusieurs jours pour saisir l'organisation complète du maître des lieux, un homme prudent et assez riche pour soudoyer des bras efficaces. Le problème ? Leurs nombres. Cela ne faisait que rajouter de la complexité à leur mission. Toutefois, ils étaient trois shinobis entrainés.

Les règles étaient simples : éliminer le proxénète, ramener la prostituée. Du moins, c'était ce que crut Suzume. Il existait en réalité un contre-ordre dont elle n'était pas au courant, un ordre du patriarche qui avait demandé à ce que l'on se débarassa aussi de la femme pour que son fils n'eut pas à se ridiculiser un peu plus dans son amourette perdue. C'était sans nul doute pour cette raison que l'on lui avait mis des types qu'elle ne connaissait pas vraiment avec elle. Mais pourquoi la Yuhi s'en serait inquiétée ? Son objectif était déjà déterminée. Alors, au détour d'une journée, quand l'activité était au minimum, les shinobis étaient passés à l'action. Les prostituées n'étaient pas des cibles, et la plupart d'entre elles s'étaient cachées en hurlant pour leur vie, sauf leur cible. Suzume l'avait brifé et lui avait promis de lui faire quitter les lieux. Pour cette raison, elle lui avait demandé de s'enfermer seule dans sa chambre. Elle avait obéi après que Suzume lui eut remis un objet de son prétendant pour la rassurer. Pour le reste de l'histoire, la sunajin avait mené sa mission à bien, non sans difficulté cependant. Leurs assaillants avaient été plus prompt à se défendre que ce qu'elle avait imaginé et cela lui avait demandé beaucoup d'énergie de faire place nette. Cependant, quand l'un de ses kunais termina son travail et qu'elle était montée à l'étage où se trouvait la jeune femme, l'un de ses partenaires venait de finir le sien.

" Qu'est-ce que tu as fait ? Il n'était pas question de la tuer. "
" En fait si. Le père de notre commanditaire nous a donné un petit bonus en échange de cette autre part de la mission. Ne t'inquiète pas, tu seras tout aussi bien récompensé. "
" Pourquoi n'en ai-je rien su plus tôt ? "
" Parce que le patriarche nous l'avait demandé. "

Le motif ? Elle ne le sut que plus tard, et il était à l'image de la stupidité de l'homme qui avait demandé le meurtre de la femme de joie. Et si généralement Suzume ne se laissait prendre en pitié, elle devait reconnaître que cette fois-là, la chunin en eut un léger pincement au coeur. Elle avait failli, et elle avait fait une promesse qu'elle ne tiendrait jamais. Alors que son regard d'acier s'était posée sur la silhouette mortifiée de la maheureuse, quand elle s'était apperçue qu'elle tenait dans son poing serré la broche que son amant lui avait confié, elle se demandait si elle avait compris, si elle avait maudit son sort ou bien si elle l'avait accepté. Le peu d'échange qu'elle avait eu avec elle lui laissait croire la seconde option. La force de sa résilience. Avant de quitter les lieux, Suzume s'était permise de récupérer le bijou. A son retour, elle raconterait un pieu mensonge pour ne pas accabler le pauvre maudit, elle lui ferait croire qu'elle était passée à autre chose, et lui éviterait de mépriser son propre père, une manière de briser un cercle sans fin.

Une fois leur mission totalement accomplie, les shinobis quittèrent discrètement le fief qu'ils avaient investis, jouant de leurs arts furtifs et effaçant leurs traces pour revenir à Suna. Afin d'éviter les poursuites, ils prirent étonnamment leurs temps, notamment en traversant la région de Kawa. Notons que l'idée ne venait pas de Suzume, mais de ces deux coéquipiers qui lui donnèrent l'impression de dissimuler encore quelque chose, comme s'ils étaient inquiets. Mais comme à son habitude, la jeune femme ne chercha pas à en savoir plus. Elle était... fatiguée, d'autant que ces deux énergumènes n'avaient de cesse de lui quémander d'user encore et encore de son dojutsu. Que craignaient-ils ? Elle ne l'aurait compris que trop tard... pour la seconde fois.

Il n'avait fallu qu'une fraction de secondes, qu'un geste prompt et rapide accompagné du bruit guttural d'un homme qui s'étouffait dans son sang. Une odieuse lame traversait déjà le corps du pauvre malheureux, si encore pouvait-on le considérer ainsi. Si Suzume reconnaissait bien volontiers qu'elle avait senti quelque chose d'étrange, comme le poids d'un regard, le sien l'avait trahi, trahi par la fatigue et sa trop grande utilisation au cours des journées qui avaient défilé. Elle s'était banalement contentée de suivre les ordres de ses équipiers, elle ne s'était pas amusée à les surveiller. Chacun était maître de ses choix et de ses actes, après tout. Pourtant, à cet instant-là, elle avait l'étrange impression d'avoir failli une nouvelle fois. Non pas qu'elle avait pour devoir particulier de protéger ses autres shinobis, leur mission était finie après tout, mais elle ne l'avait pas vu, lui.

Devant elle, il se tenait un homme qu'elle n'avait jamais vu, mais dont elle reconnaissait l'animalité qui illuminait le fond de ses pupilles. Les hommes de cette envergure agissaient en toute brutalité, sans scrupules, sans honte. Cela ne se devinait pas uniquement aux gestes, cela se dégageait dans l'aura qui en émanait. Oh oui, des hommes comme lui, elle en avait connu et il lui rappelait amèrement les mercenaires qui l'avaient enlevé autrefois. Parmi eux, il y en avait qui était animé par la même rage, plus proche de celle d'un loup que de l'humanité. Devait-elle en avoir peur ? Possiblement, mais elle ne tremblait pas, elle l'observait fixement et silencieusement, comme si elle essayait de voir quelque chose à travers lui.  Son dernier camarade ? Il vacillait déjà, effrayé en voyant que son ami n'avait même pas eu le loisir de réagir et comprenant bien vite que leur adversaire n'était pas du tout du même acabit que ceux qu'ils avaient affrontés. Même la Yuhi l'avait compris, mais était intérieurement irritée de ne pas avoir détecté sa présence, d'autant qu'elle était aussi conscience de ne pas être en pleine possession de ses moyens. Cependant, quand l'inconnu s'adressa à eux, Suzume ne sut réellement pourquoi elle se sentit obligée de répondre, avec son flegme habituel.

" Il n'y a rien à ressentir. Une mission est une mission. La nôtre est terminée. "

Les yeux aciers de la jeune femme se posèrent brièvement sur le cadavre de son camarade avec une indifférence manifeste, mais elle se demandait déjà s'il n'y avait pas une raison qui échappait à sa connaissance, qui put conduire cet inconnu-là, à s'en prendre subitement à leur groupe. La sunajin releva alors son regard en direction de celui qu'elle ne connaissait pas, de sa lame, de sa main, sans sourciller.

" Vous ne semblez pas vous émouvoir non plus du sang qui est sur les vôtres.. "

Mais à peine eut-elle le temps de prononcer ces mots, que son autre camarade intervint, sortant un tantô menaçant au-devant de l'inconnu, comme pour chercher à montrer qu'il était prêt à en découdre.

" Qu'est-ce que vous nous voulez, bordel de merde ! Qui vous envoie ? "

Toutefois, sa voix manquant d'assurance, trahissant aisément son inquiétude, tel un agneau qui subissait la pression du prédateur qui le menaçait déjà. Suzume, elle, demeura de marbre car elle ne cherchait nullement à répliquer. Cela lui semblait inutile, son camarade était déjà mort, elle ne pouvait rien pour lui. Elle espérait simplement ne pas devoir agir pour sauver le second, même si ce dernier se condamnait tout seul. Devait-elle risquer sa propre vie pour lui ? En tant que soldat, peut-être le devrait-elle... mais le méritait-il ?

La tension était palpable, l'air quasi électrique alors qu'une énigmatique bataille de regard se déroulaient entre la Yuhi et le parfait inconnu qui avait décidé que leur présence était de trop en ce monde. Pourtant, malgré la force manifeste de l'adversaire, et consciente que les siennes lui manquaient faute de ne pas avoir pu récupérer convenablement, elle demeurait impassible face au danger. N'était-ce pas là son métier après tout ? Aller au-devant des conflits là où nul autre n'osait y poser un pas ? Bien évidemment, si la jeune femme pouvait éviter un affrontement inutile, elle ne renoncerait pas à cette idée mais... L'aura que dégageait l'homme à la lame rouillée ne semblait guère partager cet état d'esprit.

Est-ce qu'elle était en mesure de le comprendre ? Lui et sa colère ? Était-il lui aussi capable de saisir son détachement à elle ? Ils étaient en réalité deux pôles opposés, comme le nord et le sud, le froid et le chaud, la rage et la tempérance. Il était animé de trop d'émotions alors qu'elle en était l'exact contraire. Il en avait trop, elle pas assez. Pourtant, ils se jaugeaient comme deux bêtes curieuses, comme deux mondes qui venaient de se rencontrer pour la première fois. Suzume avait néanmoins déjà rencontré des hommes de cette nature-là, des colériques, des enragés, des exaltés. Cependant, quand l'acier de ses yeux percèrent le feu de celui de l'Iesuji, elle eut le curieux sentiment qu'il y avait quelque chose de plus, sans être capable d'y mettre le moindre mot pour le décrire. C'était... très agaçant. Frustrant même. Généralement, pour le bien des exécutions de ses affaires, elle ne s'attachait pas à ces détails. Ici, cela l'avait curieusement frappé. Est-ce que cela changerait quelque chose ? La sunajin agirait comme elle l'avait toujours fait et comme on l'avait toujours attendu d'elle. Il n'y avait pas de raison que cela changea. Pourquoi deviendrait-elle autre chose qu'une arme ?

Mais c'était alors que son coéquipier, le seul encore debout, eut la négligeance de se montrer un peu trop vindicatif dans une situation où ils ne dominaient que par le nombre. Le pauvre diable ne put bénéficier de l'agilité habituelle de sa comparse, ses yeux lui brûlaient un peu, comme autrefois, comme quand elle était enfant et que l'on lui avait demandé d'user à l'excès de son dojutsu pour l'entraîner. Cette faille eut un effet direct sur sa réactivité habituelle. D'un autre côté, cela marqua aussi l'imprudence du soldat à ces côtés et de sa visible infériorité face à la rapidité de l'épéiste.

" Argh.... salop... "

La lame de Fukushu venait de littéralement tranché le corps du shinobi, et il s'apprêtait déjà à donner un coup nouveau quand Suzume cligna du regard, forçant sa vue et son Netsuryôgan à fonctionner un peu plus longtemps, juste un peu plus pour lui permettre un simple geste aux allures banales. Tandis qu'elle se tenait auprès de son camarade déjà agonisant, elle tendit le bras pour effleurer celui du bretteur qui allait faire tomber sa lame comme un couperet, bien qu'elle demeura dans l'incapacité de stopper son action. Lui, frappa de plein fouet le sunajin déjà au sol, elle, son effet commença à se faire sentir à partir de là...  une caresse contre une fièvre... mais...

Dans un dernier relan guttural, alors qu'une gerbe de sang s'échappa de sa bouche, l'imprudent sunajin, fauché à l'aube de sa vie, eut un sourire méprisant, laissant apparaître un parchemin explosif de sa poche. Un dernier cadeau avant le trépas, un dernier mouvement de désespoir.

" Merde. "

C'était à peine si la jeune femme eut le temps de s'en apercevoir, mais ce fut juste assez pour lui permettre de s'échapper d'un bon prompt et silencieux, avant que l'explosion kamikaze n'eut raison du malheureux. Notons que ce dernier ne semblait n'avoir aucune considération pour la Yuhi, comme depuis le début. Suzume savait pertinemment que ces deux coéquipiers lui cachaient des choses, et ils étaient morts tous les deux avec leur secret. S'ils avaient parlé, peut-être que les choses auraient été différentes, qu'ils auraient pu aisément mieux se préparer, qu'elle aurait su quoi regarder. Leur erreur leur avait été fatale mais il l'avait impliqué dans un conflit qui n'était pas le sien. Que lui restait-elle alors ? Combattre ? Fuir ? Pourquoi ? Pour qui ? Elle n'en avait pas la mission, si ce n'était la seule de rester en vie pour effectuer son rapport sur celle qu'elle avait préalablement terminé. Mourrait-elle pour rien en affrontant le bretteur démoniaque ? Mais elle n'avait pas le temps de se poser la moindre question. Ses yeux lui étaient douloureux, elle sentait qu'elle ne pourrait plus utiliser son dojutsu, peut-être même que de fines larmes de sang s'écoulaient déjà, signe qu'elle était déjà allée un peu trop loin... mais lui, lui n'attendrait certainement pas... elle devait demeurer prête.

Technique utilisée: