Petit secret pour gros mensonge

« Ce qui clochait chez lui, c'est qu'il était habitué à ne jamais rien recevoir. Personne ne le regardait jamais vraiment, il était seulement vu pour ce qu'il accomplissait. Et même là, c'était souvent la déception qui l'attendait. Parce qu'au bout du compte, rien n'était jamais assez. Il avait grandi en entendant les autres lui quoi faire et comment agir pour devenir cet homme parfait qui ne laisserait s'échapper aucun signe de faiblesse ni de fragilité. Car dans un monde où la mort guette depuis son trône de larmes et de souffrance, c'était à lui qu'on avait attribué le rôle du bouclier. Celui qui supporte tout les coups pour protéger. Mais lorsque son fer n'était plus assez solide, personne ne se souciait de son existence, personne ne prenait le temps de le réparer. Il demeurait là, dans un piteux état, noyant sa peine dans le silence, parce qu'un homme qui se plaint est un bouclier bon à rien. Mais à force, il était devenu las et fatigué, avec le sentiment qu'il n'y arriverait jamais. La pression sur ses épaules de rendre justice à tout ceux qui a un jour ont compté pour lui, avait vidé son cœur de toute énergie. L'enfant débordant de vie et d'envie n'était plus qu'un homme froid, incapable d'aimer et de se laisser aimer, résolu à mener une vie de solitude où tout ceux qui croiseront son chemin se verront déçu de ne trouver en lui qu'un bouclier cassé, attendant d'être réparé. »

Je ressens profondément qu'Hariken porte le poids de la mort des Watari, même si elle n'était pas là lors des massacres. Je sens que quelque part en elle, elle s'en veut, comme si sa présence aurait pu faire une différence ce jour-là. Mais au fond de moi, je sais que cela aurait été futile. Le destin était scellé, et même avec son soutien, rien n'aurait changé. Cependant, une part de moi aurait peut-être aimé avoir son appui, sa présence à mes côtés pendant cette sombre période. Mais je le comprends maintenant, elle ne pouvait pas être là. Et même si elle l'avait été, la tragédie aurait suivi son cours implacable. C'est une pensée douloureuse, mais je ne peux pas m'attarder sur les "si" et les "mais".

"Hariken," commençai-je, le regard plongé dans le lointain, "je sens que tu te blâmes pour la mort des Watari, mais tu n'y étais pour rien. Ce jour-là, aucun soutien de ta part n'aurait pu changer le cours des événements."

Je restai silencieux, écoutant attentivement les mots de Hariken alors qu'ils résonnaient en moi. Elle avait toujours eu ce don pour toucher les cordes sensibles, même lorsque nous étions enfants. Ses paroles réveillaient des souvenirs enfouis, des émotions que j'avais longtemps tenté d'occulter. Puis vint son observation, tranchante comme une lame, sur la contradiction entre ma quête de vengeance et mes actions actuelles, combattant pour ceux qui m'avaient privé de tout. Ses mots perçaient ma carapace, mettant à nu la vérité que je cherchais désespérément à éviter. Après un moment de silence, je pris enfin la parole, mes mots empreints d'une résolution amère. "Je n'ai pas d'autre choix," dis-je d'une voix calme mais chargée d'une détermination féroce. "Seul, j'ai dû me faire petit, patienter jusqu'au jour où je serai capable de frapper fort. C'est ma seule voie vers la justice, même si elle semble semée d'embûches et de contradictions."

Pourtant, je réalisais que je n'étais plus seul depuis un certain temps maintenant. La rencontre avec des personnages aussi hauts en couleur que Shinji avait changé la donne. Ensemble, nous avions forgé des liens forts et je comptais sur leur présence pour mener à bien cette véritable révolution. Je me demandais si je pouvais en parler à Hariken. Puis, je me suis dit que cela ne ferait pas de mal de partager ce fardeau avec elle. Après tout, elle avait toujours été là pour nous, enfants, même si nos chemins s'étaient séparés pendant un certain temps.

Finalement, je décidai de me confier d'une voix légèrement hésitante, "Peut-être que tu pourrais te rattraper de ton absence passée d'une autre manière. Tu pourrais peut-être envisager de soutenir ma quête d'une manière différente, d'une manière qui pourrait changer le cours des choses au Pays de l'Eau."

Ma phrase pouvait sembler légèrement taquine, demander un service de cette manière en lui faisant poser le poids de la culpabilité à nouveau sur ses épaules, mais ce n'était pas mon intention. J'estimais simplement que toute personne, si un jour elle était rongée par un mauvais sentiment, pouvait se rattraper en agissant. Et là, devant Hariken, je lui offrais cette opportunité. C'était ma manière de lui dire que je ne lui en voulais pas pour son absence passée, mais que je voyais en elle la possibilité de contribuer au changement que nous espérions tous deux voir advenir. En lui offrant cette opportunité, je lui faisais confiance pour choisir sa voie et faire ce qui lui semblait juste.

"Et puis, maintenant que je sais que tu es en vie, je n'ai pas envie de perdre une autre personne dans ce conflit," ajoutai-je, mon ton se faisant plus sérieux. "Alors j'aimerais mieux que tu sois du bon côté lorsque les choses seront en mouvement. Car je crois fermement que nous allons réussir à renverser le pouvoir."

Je voulais qu'elle comprenne l'importance de sa présence à mes côtés, non seulement pour le succès de notre cause, mais aussi pour sa propre sécurité. Nous avions déjà perdu trop de personnes chères, et je ne voulais pas risquer de la perdre elle aussi. Ma détermination à voir ce changement s'opérer était inébranlable, et je voulais qu'elle partage cet espoir avec moi.