[ELLIPSE] - Growing Stronger

An 0, un mois après les Jeux de Yu no Kuni, Kirigakure no Sato.

" Une fois encore, Terumi Ushio, tu fuis tes responsabilités. "



Le chef de clan accompagné de ses conseillers était assis à l'autre bout de la table, tandis que j'étais seul, de mon côté de celle-ci. Les remontrances commençaient à être monnaie courante, à vrai dire, et même si ma performance à la seule épreuve des Jeux à laquelle j'avais participé avait été remarquée, les trop nombreux écarts que j'avais commis devaient bien être soulevés.

Alors, j'écoutais, las, n'attendant qu'une chose, que cet énième sermon soit terminé, mais contre toute attente, celui-ci s'avérait plus long que prévu. Je n'avais aucunes idées de quelle mouche avait piquée le patriarche, mais c'est bien la première fois que ses propos étaient aussi cinglants.

" Parce que vous n'avez pas fui les vôtres, lors de l'investiture du Daimyo, peut-être ? Ne lui avez-vous pas servi notre clan, ou plutôt ce qu'il en restait, sur un plateau d'argent ?! "

Tout les regards se braquèrent alors sur moi. Et le plus sombre d'entre tous, celui du patriarche, sembla me fusiller immédiatement. Je n'avais fais qu'énoncer, tout ce que tout le monde pensait tout bas, mais ils préféraient se voiler la face, et rester sourds face au vent de révolte qui soufflait peu à peu dans le pays. Pour ma part, j'avais choisi mon camp, et il n'était plus question de se cacher.

" Petit impertinent.. ! "

Un instant de silence, suite à son invective, qui avait étouffé les murmures qu'avait provoqué ma réponse. Il reprenait alors, amer.

" Par les pouvoirs qui me sont conférés, Terumi Ushio, je te condamne à l'exil, pendant une année entière. Tu auras l'interdiction de poser le pieds au sein de cette Cité, durant toute cette période, sans quoi nous n'hésiterons pas à te dénoncer, toi et tes propos éhontés, et instigateurs de révolte ! Sers-toi de cette période pour réfléchir, et ne pense même pas à revenir si tu ne changes pas d'avis."

Je me redressais alors calmement, attrapant mon barda fourré à la va-vite dans un sac. J'avais déjà prévu de partir, de toute manière, que ça soit avec une casquette d'exilé temporaire ou non ne changeait rien. Je me détournais alors, et sans piper mot, me dirigeait vers la sortie.

" Tu es une honte.. pour notre clan !

- Et vous, pour nos ancêtres. " avais-je lâché avant de refermer la porte et de me diriger vers le port.

J'avais déjà prévenu Hariken et Eijin de mes pérégrinations, sans pour autant apporter quelconques détails sur les raisons de ce départ, ou si ce n'est ce statut d'exilé. Je ne leur avais pas non plus dit où je partais, c'était pour le mieux, j'en étais certain. J'avais besoin de prendre mes distances avec les rues du village caché de la Brume, et surtout avec mon clan.

***

Quelques heures plus tard, abords d'une île de l'Archipel.

L'eau s'infiltrait rapidement dans mes poumons, tandis que je coulais comme une pierre. Un puissant craquement s'était fait entendre avant que l'embarcation de fortune ne se brise contre des rochers, et que je rejoigne les eaux froides, tout comme le batelier. Ma vue se troublait, mes doigts glissaient contre la paroi rocailleuse alors que je sentais peu à peu ma conscience m'abandonner pour les tréfonds.

" Lui ! Il est encore en vie ! Attrapez-le ! "

Une douce voix, presque mélodieuse à mon oreille, ou était-ce le fruit de mon imagination, le dernier soubresaut de mon âme avant de définitivement quitter mon enveloppe charnelle. Je n'en savais rien, la dernière chose que je sentis, fût cette emprise autour de mon torse, alors que je perdais finalement connaissance, presque certain que la mort était enfin venue me réclamer.



Le réconfort d'une couche venait à me surprendre, était ce donc ça la mort ? Étais je au paradis ? Je n'en savais rien, jusqu'à ce que j'ouvre finalement les yeux, doucement. Des ruines ? Où pouvais je bien être ? Je contemplais rapidement la pierre qui m'entourait, de nombreuses colonnes et murs d'enceinte, de ce qui semblait avoir été une sorte de temple, désormais abandonné, et laissé en proie à l'humidité et les ténèbres d'une grotte.

Je finissais alors par me redresser, et dépoussiérais quelque peu mes vêtements, qui avaient été mis à mal durant le naufrage, il fallait croire. Tant de questions, et si peu de réponse, quand soudainement, venant de l'entrée de la pièce, j'entendais la même voix que celle que j'avais cru percevoir au fond des eaux.

" L'humain est réveillé, l'humain est réveillé ! Allez prévenir notre Reine ! "

Je plissais le regard, impossible d'identifier la silhouette qui venait de parler. Je me baissais alors pour récupérer mon sac, que mes sauveurs, pour peu que ce soit eux, avaient pris soin de déposer à mes côtés. Rapidement, je venais en tirer un kunaï, que j'attrapais de ma main droite, adoptant une posture défensive tout en continuant de m'approcher.

" IIIIIiih.. ! "

Une poulpe ?! J'avais cru distinguer un tentacule, qui s'était rapidement rétracté, lorsque j'avais dégainé mon arme.

" Nous.. Nous ne vous voulons pas de mal.. ! C'est nous.. qui.. mh.. nous vous avons sauvés de la noyade.. !

- Que.. Qu'êtes-vous, mh ?

- Notre Reine vous expliquera.. Oui.. ! Elle est la mieux placée pour le faire.. ! Suivez-moi ! Et rangez ça, vous allez blesser quelqu'un ! "

Je soufflais doucement, incapable de dire si j'étais dans un rêve, ou si c'était belle et bien la réalité. Je n'avais jamais entendu parler de poulpes parlant, c'était bien une première. Mais pour l'heure, je n'avais guère le choix que de les écouter, alors je venais à ranger mon kunaï dans un pan de ma tenue encore un brin détrempée, puis venait à sortir de la pièce où se trouvait ma couchette.

Sans surprise, ou plutôt si, surprenamment, une sorte de petite poulpe venait à me dévisager de ses yeux globuleux. Un brin impressionnée, elle ne sembla pas piper mot davantage et m'indiqua d'un mouvement de tentacule de la suivre à travers le couloir qui semblait mener à une gigantesque salle. Là, un nombre impressionnant de ces créatures étaient rassemblés, et venaient à poser leur yeux sur moi, alors que je levais les miens sur la plus grande de toute, me dépassant de bien des mètres.



" Bonjour, petit être. Bienvenue dans notre humble royaume. "

Je ne répondais pas, tâchant d'analyser la situation. Je n'avais jamais entendu parler d'une telle chose, d'un tel.. peuple ? Avec de telles capacités ? Comment pouvaient ils s'exprimer ? Tant de questions, et pourtant si peu de réponses.

" Je comprends ta surprise, oui. Vous autres, les humains, n'avaient pas l'habitude d'entendre des créatures que vous considérez comme des animaux "parler", n'est-ce pas ?

- C'est, quelque chose de plutôt inhabituel, oui. Mais, où suis-je, mh ?

- Nous répondrons à tes questions en temps voulu. Pour l'heure, Poulpy va te montrer tes quartiers. Tu es notre invité, après tout. "

Je n'eu pas le loisir de renchérir, que déjà, un petit poulpe jaune venait à s'approcher de moi, et m'indiquer de le suivre. Ne voulant décemment pas m'attirer leurs foudres, au vu du nombre qu'ils étaient, je tâchais donc d'obéir, et de rejoindre mes "quartiers". Plutôt rustiques, ils se trouvaient dans une pièce adjacente à celle de la Reine, quoique nettement plus petits, adaptés à ma taille, à vrai dire. Je disposais donc d'une couche, à même le sol, ainsi que d'une table et d'une chaise, en guise de mobilier. Quelques bougies venaient éclairer la pièce, qui restait relativement sombre au vu de la topologie du lieu. Je venais donc à simplement déposer mes affaires, quand on m'apporta un repas chaud, à base de poisson, et d'algues. Je le dévorais, et tâcher de faire une petite sieste, gardant le kunai à portée de mains, au cas où.

Deux mois plus tard.

Mon entraînement avait commencé depuis maintenant deux mois, et si ceux-ci m'avaient semblés relativement court, mes nuits, quand à elles, étaient immensément longues. J'avais pris l'habitude de vivre au milieu d'une communauté de poulpes, du plus minuscule aux plus impressionnants, et si les premiers échanges avaient été marqués par la méfiance, ainsi que l'hésitation de mon côté, faute est de constater que l'accueil que m'avait offert ce peuple m'avait permis de baisser ma garde, et de vivre dans une certaine harmonie parmi eux.

Si mes journées étaient bien remplies, et bien chargées, mes nuits l'étaient tout autant, car si à Kiri, j'avais le loisir de penser à autre chose en sautant de lit en lit, c'est bien une occupation que j'avais dû abandonné depuis mon isolement forcé, et contrairement à ce que j'avais pensé, la chose s'avérait d'une extrême complexité. Les seules personnes qui occupaient mes soirées et mes nuits étaient mes cauchemars, et les fantômes du passé qui s'amusaient à me tourmenter et me laisser éveillé pendant de longues heures, si bien que j'avais finis par me réveiller un soir, beuglant dans ma couchette.



Rapidement, quelques poulpes étaient venus à mon chevet, alors que je suais encore, et tâchait de reprendre ma respiration. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, et bien vite, ceux-ci m'avaient rapidement forcé à me lever de mon lit, avant de m'entraîner dans la grande salle du palais en ruine, où siégeait la reine.

" Ma reine, le jeune Maître a encore fait un cauchemar.. ! "

Me retrouvant au centre de cette grande pièce, quelques poulpes encore debout s'étaient arrêtés pour observer la scène avec curiosité, alors que le regard globuleux de la Reine se posait finalement sur moi, encore tremblant des ténèbres dont j'étais parvenu à m'extirper, in extremis. Je pouvais sentir une expression de tristesse, dans son regard, alors qu'un de ses tentacules gigantesque venait à se redresser, et qu'elle intimait à ses sujets :

" Il est temps, pour le Jeune Maître, de passer le premier test. "

J'aurais voulu demander ce dont il était question, mais mon souffle encore entrecoupé de soubresauts m'en avait empêché, alors que bien vite, d'autres poulpes s'étaient approchés, certains s'avançant alors jusqu'aux quatre points cardinaux, ma personne en leur centre. J'avisais tout autour de moi, des œillades rapides, stressées, comme un animal qu'on venait de mettre en cage, acculé et sans défense. Quel était ce test ? De quoi était-il question ? Je n'en avais pas la moindre idée, et pour la première fois depuis longtemps, j'étais terrifié.

Peu à peu, les voix des poulpes m'entourant commencèrent à s'élever, dans un chant canon, chacune leur tour. Une mélodie mystique, qui prenait le pas sur tout autre son audible dans la grotte, et alors que je m'apprêtais à me boucher les oreilles, bien conscient de ce qui allait se passer, désormais, des tentacules venaient à m'étreindre les bras, empêchant tout mouvement.

" Navré de vous forcer la main, Jeune Maître, mais vous ne pourrez pas éternellement vous cacher, vous ne pourrez jamais fuir vos démons intérieurs, ils font.. parti de vous. "

Et alors que ma vision finissait par s'obscurcir, sombrant dans ce que je pensais être un autre état de conscience, je venais à pousser un beuglement monstrueux.



***

Le bruit des vagues s'écrasant sur le rivage venait à chatouiller mes oreilles, alors que je sentais le sable humide contre ma peau et mes vêtements. Je venais doucement à rouvrir les yeux, ébloui par les rayons du soleil tandis que je me redressais également, et calmement. Où étais-je ? Je n'en avais pas la moindre idée. Quand étions-nous ? Aucunes idées non plus. J'inspirais profondément, l'air frais venant de l'océan, alors que je remarquais un petit bambin en train de faire un château de sable, non loin.

Tandis que je m'approchais, je plissais un peu les yeux. Le gamin qui semblait si heureux de jouer dans le sable, était-ce moi ? Je n'en étais pas certain, il était de dos, et ça aurait pu être de nombreux marmots, pourtant, quelque chose au fond de moi me disait que j'étais sur la bonne piste. Une fois à proximité du gamin, je venais à tendre la main vers celui-ci, et avant même d'avoir pu entrer à son contact, celui-ci se changeait rapidement en un tas de sable s'écroulant sur lui-même.

Et avant que je n'eu le temps d'ajouter quoi que ce soit, le vent venait à se lever et à tournoyer autour de moi, entraînant dans son sillage des centaines de milliers de grains de sable qui ne tardèrent pas à me forcer à fermer les yeux, étouffant le bruit des vagues qui ne fût rapidement plus qu'un lointain souvenir.

Je venais à doucement retirer mon bras de devant mes prunelles, quand je me trouvais finalement au milieu d'un lac, en pleine forêt. Debout, sur l'eau, je ne reconnaissais que trop bien ce décor. Je l'avais vu des centaines de fois dans mes cauchemars, si ce n'est plus, mais là, il y avait quelque chose de différent. J'étais effroyablement seul, perdu au milieu de celui-ci, avisant partout. Alors que je m'apprêtais à avancer, je baissais rapidement le regard en sentant une main agripper ma cheville :

- Qu'est-ce que.. ?!

Blême, pâle, et couverte d'algues, elle semblait pourtant bien trop résistante pour que je m'en libère, et alors que j'entamais une série de mûdras, d'autres sortirent de l'eau pour venir me saisir à leur tour, et avant même que je n'eu le temps de m'exprimer, toute leur force réunie venait à me faire plonger dans les eaux froides, et à m'attirer par le fond.

" Meurtrier.. "

" Assassin. "

" Démon ! "

Tant de voix qui venaient à résonner dans mon crâne, alors que je me débattais vainement pour remonter à la surface, inexorablement attiré dans les abysses par ces milliers de mains qui venaient à peu à peu recouvrir l'entièreté de mon corps, ne laissant aucun échappatoire possible jusqu'à ce que je finisse par perdre conscience.